- C.E.A.
- C.E.A.C.E.A. (Commissariat à l’énergie atomique)Le Commissariat à l’énergie atomique est institué le 18 octobre 1945 par le gouvernement provisoire du général de Gaulle, sur la proposition de Frédéric Joliot et de Raoul Dautry, nommés respectivement haut-commissaire et administrateur général délégué du gouvernement. Autour d’eux, Pierre Auger, Francis Perrin, Bertrand Goldschmidt, Irène Joliot-Curie et Jules Guérou veulent lancer la France dans la recherche et l’industrialisation de la nouvelle source énergétique que promettent les récentes découvertes de la physique nucléaire et dont les possibilités avaient été clairement exprimées dès 1939 par l’équipe française. Pour garantir son indépendance, le C.E.A. est doté de la personnalité civile, de l’autonomie administrative et financière, ainsi que d’un statut industriel et commercial qui s’inspire de celui de la Régie Renault.Le C.E.A. conserve aujourd’hui encore un statut spécifique d’établissement public à caractère scientifique, technique et industriel; il est dirigé comme à sa création par un administrateur général (qui préside le conseil d’administration) et un haut-commissaire (qui préside le conseil scientifique). Ont occupé successivement ces fonctions: comme administrateurs généraux, Raoul Dautry (de 1946 à 1951), Pierre Guillaumat (de 1951 à 1958), Pierre Couture (de 1958 à 1963), Robert Hirsch (de 1963 à 1970), André Giraud (de 1970 à 1978), Michel Pecqueur (de 1978 à 1983), Gérard Renon (de 1983 à 1986), Jean-Pierre Capron (de 1986 à 1989), Philippe Rouvillois (depuis 1989); comme hauts-commissaires, Frédéric Joliot (de 1946 à 1950), Francis Perrin (de 1951 à 1970), Jacques Yvon (de 1970 à 1975), Jean Teillac (de 1975 à 1993), Robert Dautray (depuis 1993).Les premiers chercheurs, installés en 1946 au fort de Châtillon, s’orientent vers les réacteurs à uranium naturel, seul disponible en France, et à eau lourde: en 1948, la première pile expérimentale Zoé diverge (Lev Kowarski). Au centre de Saclay, dont la construction est entreprise en 1948, le deuxième réacteur EL 2, refroidi par du gaz carbonique sous pression, diverge en 1952 et annonce la filière «graphite-gaz» (Jules Horowitz, Jacques Yvon). Avec Pierre Guillaumat, son nouvel administrateur général, et Francis Perrin, devenu haut-commissaire après la révocation de Frédéric Joliot pour des motifs politiques, le C.E.A. passe du stade du laboratoire à celui d’une grande industrie nationale. Jusqu’en 1960, il doublera ses effectifs et son budget tous les deux ans. La plupart des grandes réalisations du C.E.A. sont mises en place dès le premier plan quinquennal (1952-1957), notamment la prospection de l’uranium et l’exploitation minière.Destinés à la recherche fondamentale et appliquée, le laboratoire du fort de Châtillon (devenu depuis lors le centre d’études nucléaires de Fontenay-aux-Roses) est reconstruit, le centre de Saclay étendu et équipé; les centres de Marcoule, Grenoble et Cadarache sont mis en chantier; de nouvelles piles sont construites (G1, G2, G3, à Marcoule; EL 3 à Saclay). En 1957, la C.E.E. étend à l’énergie atomique la collaboration européenne et fonde l’Euratom.Pour la recherche fondamentale sont mis en service un Van de Graaf de 5 MeV (1953), un cyclotron de 25 MeV (1954), puis un accélérateur linéaire de 28 MeV et enfin l’accélérateur Saturne de 3 000 MeV (1958), copie du Cosmotron américain de Brookhaven. Dès 1959 est créé le service hospitalier Frédéric-Joliot (S.H.F.J.) pour l’application des techniques nucléaires au diagnostic médical.En 1956 et 1958 sont décidées des études de principe, puis la réalisation d’armes atomiques dont Yves Rocard avait dirigé la conception restée secrète. En février 1960, le C.E.A. et l’armée font exploser la première bombe nucléaire à Reggane (Sahara). En 1959, le C.E.A. entreprend la construction de l’usine de séparation isotopique de Pierrelatte, sous la direction de Pierre Taranger puis de Robert Galley. Les études physico-chimiques nécessaires pour développer en France le procédé de la diffusion gazeuse, gardé secret par les Américains, sont menées à bien sous la direction de Claude Fréjacques. Les recherches militaires prennent deux directions, la militarisation de l’arme atomique d’une part, la conception et la réalisation d’armes thermonucléaires d’autre part. Les campagnes de tir auront lieu à partir de 1966 au Centre d’expérimentation du Pacifique. Le C.E.A. entreprend l’étude d’un moteur nucléaire pour sous-marin qui fonctionnera à l’uranium enrichi: le prototype à terre (P.A.T.) diverge à Cadarache en 1964.La fin des années 1960 verra l’entrée en service de la seconde usine de retraitement des combustibles irradiés au cap de la Hague (1966), le lancement à Cherbourg du sous-marin le Redoutable et la divergence de Rapsodie, premier réacteur expérimental à neutrons rapides français (1967). En 1967 également est créé le Laboratoire d’électronique et de technologie de l’informatique à Grenoble et, en 1969, est inauguré l’accélérateur linéaire à électrons à l’Orme-des-Merisiers.L’année 1970 est marquée par la réorientation du programme de recherche et d’équipement électronucléaire: abandon de la filière uranium naturel-graphite-gaz et développement de la filière des réacteurs à uranium enrichi et eau ordinaire sous pression. Le Commissariat à l’énergie atomique connaît alors des heures difficiles; il doit modifier ses programmes, d’autant plus rapidement et efficacement que les crises pétrolières et la précarité des approvisionnements énergétiques de la France réclament un démarrage en force de l’énergie nucléaire. Le C.E.A. contribue alors au développement d’une industrie nucléaire puissante (enrichissement avec l’usine Eurodif, 1978, retraitement avec l’extension de l’usine de la Hague, réacteurs progressivement francisés à partir de la licence initialement achetée à Westinghouse). Cet effort de recherche et développement, conduit en partenariat étroit avec l’industrie, notamment E.D.F., se traduit par un parc de réacteurs qui fournit en 1994 près de 80 p. 100 de l’électricité française et par des succès notables à l’exportation.Dans le même temps, le C.E.A. a poursuivi son effort pour développer les réacteurs à neutrons rapides: Rapsodie puis Phénix (1973). Cet effort a rendu possible, dans une collaboration européenne, la réalisation de Super-Phénix (1 200 MWe) qui a divergé en 1985.L’activité spécifiquement militaire du C.E.A. relève de la Direction des applications militaires (D.A.M.), responsable des constructions, des essais et, particulièrement, de l’entretien des armes nucléaires et thermonucléaires. La D.A.M. a développé puis fabriqué les têtes nucléaires destinées aux divers vecteurs (Mirage-IV, missiles S.S.B.S. du plateau d’Albion, missiles des sous-marins à propulsion nucléaire S.N.L.E.). Elle a également en charge la gestion des matières nécessaires à ces armes.La Direction de la propulsion navale est pour sa part responsable du perfectionnement des moteurs nucléaires des sous-marins lance-engins et du développement des chaufferies destinées aux porte-avions nucléaires dont le premier, le Charles-de-Gaulle , a été mis à l’eau en 1994.Depuis 1990, les activités du secteur civil du C.E.A. sont placées sous la responsabilité de cinq directions opérationnelles et de deux instituts qui pilotent la mise en œuvre des programmes décrits ci-après.– Les réacteurs nucléaires (20 p. 100 du budget des programmes civils du C.E.A. en 1995): études techniques en soutien au fonctionnement du parc actuel des réacteurs à eau pressurisée (R.E.P.), futures générations de réacteurs à fission, réacteurs à neutrons rapides, fusion thermonucléaire contrôlée par confinement magnétique.– Le cycle du combustible (18 p. 100 du budget): séparation isotopique par laser pour l’enrichissement de l’uranium, nouveaux procédés de retraitement des combustibles usés, recyclage du plutonium, séparation et transmutation des autres actinides et des produits de fission à vie longue, techniques de conditionnement, entreposage et stockage des déchets ultimes; ces recherches sur l’aval du cycle relèvent des orientations fixées par le gouvernement à travers la loi du 30 décembre 1991 relative à la gestion des déchets nucléaires. Le C.E.A. mène par ailleurs depuis 1992 un important programme d’assainissement radioactif et de démantèlement de ses installations mises à l’arrêt définitif (7 p. 100 du budget).– La protection nucléaire et la sûreté (13 p. 100 du budget): développement des connaissances et des outils nécessaires à l’analyse de sûreté des installations, compréhension des situations incidentelles, radioécologie, épidémiologie, expertise pour les pouvoirs publics. L’Institut de protection et de sûreté nucléaire bénéficie depuis 1992, au sein du C.E.A., d’une autonomie garantie par un budget individualisé, un comité de direction et un comité scientifique spécifiques.– Les sciences du vivant (10 p. 100 du budget): effets des rayonnements ionisants sur la matière vivante (radiobiologie), biologie cellulaire et moléculaire, ingénierie des protéines, écophysiologie végétale, exploration radiométabolique et imagerie nucléaire.– Les sciences de la matière (14 p. 100 du budget): le C.E.A. joue un rôle essentiel dans les recherches sur les plasmas, en particulier pour la fusion contrôlée, et dans la neutronique. Il contribue pour une large part, en coopération avec le C.N.R.S., à la recherche française en physique nucléaire et en physique des particules élémentaires: de nombreux détecteurs de particules, notamment pour équiper le Cern, ont été construits à Saclay. Dans d’autres domaines, tels que la physique théorique, l’astrophysique ou la physique du solide, les contributions du C.E.A. sont considérables dans le prolongement des études sur les structures magnétiques au moyen des neutrons lents initiées par Louis Néel à Grenoble, ou celles d’Anatole Abragam sur la polarisation dynamique nucléaire (combinant les résonances magnétique nucléaire et paramagnétique électronique), découverte qui a eu d’importantes applications pratiques.– Les technologies avancées (14 p. 100 du budget): optronique, microélectronique, instrumentation, sciences des matériaux, métrologie et applications industrielles des rayonnements ionisants; au-delà de ces disciplines, le C.E.A. joue un rôle important dans le dispositif national de diffusion technologique et fait ainsi bénéficier l’industrie française de ses capacités, de ses connaissances et de son réservoir de technologies.– L’enseignement et la formation (4 p. 100 du budget): au sein du C.E.A., l’Institut national des sciences et techniques nucléaires, créé dès 1956, est chargé des actions d’enseignement et de formation par la recherche. Possédant le statut d’établissement d’enseignement supérieur, il organise, en liaison avec de nombreuses universités, des enseignements du niveau D.E.A. ou de spécialisation pour ingénieurs dans de nombreuses disciplines allant de la physique des réacteurs à la médecine nucléaire, en passant par la mécanique, la robotique, la chimie ou la biologie.Le C.E.A. comptait, à la fin de 1993, un peu moins de dix-huit mille personnes. Comme d’autres grands organismes, il a dû faire face à de sévères réductions d’effectifs et à un tassement sensible des crédits de recherche. Il doit aussi s’adapter en permanence à l’évolution de la demande de ses partenaires industriels et des pouvoirs publics: exigences accrues en matière de sûreté, sensibilité aux problèmes d’environnement, interrogations concernant la gestion des déchets radioactifs, situation internationale nouvelle en matière de non-prolifération, réponses techniques à donner au moratoire sur les essais nucléaires.Depuis 1983, C.E.A.-Industrie détient l’ensemble des participations du C.E.A. Le groupe ainsi constitué comptait plus de quarante mille personnes à la fin de 1993. Il reste orienté principalement vers les activités électronucléaires, qui représentent près de 85 p. 100 de son chiffre d’affaires et s’organisent autour de deux pôles:– Le cycle du combustible , extraction du minerai, enrichissement de l’uranium, fabrication d’éléments combustibles (UOX), retraitement des combustibles usés et recyclage du plutonium dans les combustibles mixtes (MOX). L’opérateur industriel dans ce domaine est le groupe Cogema.– La construction de chaudières nucléaires pour la production d’électricité et la réalisation de réacteurs de propulsion navale , domaines respectifs de Framatome et de Technicatome, ainsi que la maintenance et les services associés où interviennent des sociétés spécialisées comme Intercontrôle ou S.T.M.I.C.E.A.-Industrie joue également un rôle:– dans le secteur biomédical , à travers Oris-Industrie et ses filiales (diagnostic, thérapie, analyse) et Sopha Médical (imagerie en médecine nucléaire);– dans les services informatiques avec les sociétés du groupe Cisi.Enfin, en 1993, C.E.A.-Industrie, associé à France Télécom et à Thomson-C.S.F., est devenu le premier représentant des intérêts français dans S.G.S.-Thomson, deuxième fabricant européen de semi-conducteurs.C.é.A.Sigle de Communauté économique africaine.
Encyclopédie Universelle. 2012.